[Refrain] Je te hais plus que tu ne t'aimes! Je m'aime beaucoup plus que tu me hais! Il n'y a pas vraiment de sujet sur lequel je veux m'étendre…
Ces énormités pour temps de guerre froide méritaient plutôt de le disqualifier comme expert en géopolitique, non de le clouer à jamais au pilori. On a oublié les tombereaux d'injures déversés sur le Nobel-malgré-lui (1964). Jean-Jacques Brochier les rappelle (Pour Sartre, Lattès, 89 F). De tous les horizons, les offenses pleuvaient, d'une rage et d'une niaiserie rares. Seuls ont sauvé l'honneur Deleuze et Mauriac, ce dernier en dépit des coups reçus naguère. La vieille droite multipliait les attaques au physique, par quoi elle se croit talentueuse et bravache quand les arguments lui manquent. Malgré cette unanimité hostile, l'auteur de La Nausée était accusé, sans rire, de régner sur les esprits de ses contemporains par d'obscures terreurs. Ce soupçon le poursuit dans la tombe. Le « louchon » diabolique continue d'être vu, contradictoirement, comme le corrupteur de jeunes gogos et comme le fossoyeur de l'Occident. Je t'aime je te hais. Certes, l'auteur des Mots a sa statue, à la Bibliothèque nationale; mais c'est dans une arrière-cour, courbé, manteau et écharpe au vent, ressemblant au modèle en ce qu'il paraît quitter les lieux comme un voleur.