Ce pays n'est qu'un vœu, mais il est en amont de toute vérité. Cela, René Char le sait: « Dans mon pays, on ne questionne pas un homme ému. […] Bonjour à peine, est inconnu dans mon pays. […] On n'emprunte que ce qui peut se rendre augmenté. […] Dans mon pays, on remercie. ». Je retrouve dans ces mots simples l'épure râpeuse des phrases courtes et nettes de mon grand-père vigneron, l'idée d'une éthique accrochée à la terre, parce-qu'elle est sous nos pieds et nous fait tenir droit. Si le pays de René Char est un pays mental, il n'est pas éthéré; sa poésie est foncièrement étrangère à toute évanescence. Sa vérité s'ancre dans la terre de Vaucluse et la chair des hommes qu'il côtoie. Char est un paysan qui charrue le pays avec ses mots, un paysan pour lequel la terre nourrit la poésie. L'éditeur José Corti disait de lui: « Char ne croit probablement pas beaucoup à l'inspiration; mais, au hasard d'une rencontre, à l'aimantation des êtres et des choses. Il sait que le poète est un médium qui perçoit, sait le lieu et la prise.
Le soleil divisé devient ce soir gravide. René Char, in Éloge d'une soupçonnée (Gallimard, 1988)
René Char était un poète français du 20ème siècle et un membre de la Résistance française. Auteur de plusieurs livres de poésie dont 'Le Marteau Sans Maître' publié en 1934, dans lequel l'auteur rend compte de son expérience surréaliste et 'Feuillets d'Hypnos' publié en 1946 chez Gallimard, une œuvre composée de réflexions brèves et fulminantes inspirées de l'expérience partisane, vécue personnellement par le poète ( qui était alors surnommé le capitaine Alexandre par les résistants), il publie à compte d'auteur en 153 exemplaires son premier recueil 'Les Cloches Sur le Cœur' en 1928. dont une bonne partie sera détruite par ses soins. Le livre rassemblait prinipalement des poèmes qu'il avait écrit durant ses années de jeunesse. Beaucoup de poèmes de Char ont été rassemblées en 1957 par Gallimard dans le livre 'Poèmes et Prose Choisis'. Son travail poétique a également suscité un intérêt considérable chez le poète Paul Celan, qui a dédié à René Char l'un de ses plus célèbres poèmes, intitulé ' Argumentum E Silentio ', axé sur le sens du mot poétique en tant que la résistance.